jeudi 19 mars 2015

Ce que les archives ne diront jamais

Je me suis remise à mes recherches après une interruption due à des problèmes dentaires assez douloureux. Je pense à nos pauvres ancêtres, à une époque où on ne savait pas encore soigner les dents…

J’ai choisi une branche maternelle, celle de ma grand-mère, Denise Jeanne Galmiche, à cause d’une alerte de Geneanet qui m’a trouvé de nouveaux renseignements. Comme d'habitude, j’imprime la fiche en attendant de vérifier les dates au moyen des actes d’état civil.

Et cela me fait penser au billet de Marie-Anne Chabin « dépasser le seuil des trois actes en généalogie ». On peut trouver, en effet, bien d’autres documents d’archives (de « liants ») comme :
- les recensements
- les testaments
- les inventaires après décès
- le cadastre
- les archives militaires
- les archives fiscales
- les papiers de famille
Etc.

J’aime bien aussi l’idée de Françoise Nicolas « Feuilles d’ardoise » qui considère comme intéressants pour un ancêtre donné les moindres renseignements glanés dans les actes NMD de ses enfants, frères et sœurs, neveux et nièces, oncles et tantes, etc. qui nous permettent de suivre les déplacements de nos ancêtres, leur vie sociale, s’ils savent signer ou non, etc.

Puis je me replonge dans mes fiches de la famille Galmiche. Jean-Baptiste Julien Galmiche (mon sosa 28, c’est-à-dire mon arrière arrière grand-père) a épousé Marie Amélie Galmiche (d’une autre branche, que je n’ai pas encore remontée). Ils ont eu neuf enfants dont un mort à l’âge d’un jour.

J’ai entendu parler de ces oncles et tantes de ma grand-mère par ma mère et j’ai pu retrouver plusieurs d’entre eux sur la photo de mariage de mon arrière-grand-mère. 

Mariage de Jeanne Clélie Marie Pouillard avec
Jules Félicien Herman Galmiche, le 19/12/1896 à Paris

Cette belle photo sépia me fascinait et j’avais demandé à mes parents les noms des personnes présentes. Je les avais notés soigneusement derrière la photo. C’est là que j’ai eu des surprises. Les prénoms de deux tantes ne correspondaient pas aux actes de l’état civil. Mes parents étaient encore de ce monde et je les ai interrogés sur cs différences. Ils n’en savaient rien. Finalement, j’ai dû me rendre à l’évidence : pour distinguer les deux sœurs dont les deux premiers prénoms étaient identiques (Marie Louise) et qui, peut-être n’aimaient pas leur troisième prénom (Clarice et Justine) on appelait Louise la première et Augustine la seconde.

Pourquoi Augustine au lieu de Justine ? On ne le saura jamais. Si je n’avais pas entendu parler de cette histoire, et si cela n’avait pas été écrit au dos de la photo, aucun descendant n’aurait jamais su que Marie Louise Justine s’était appelée toute sa vie Augustine.


C’est la même chose pour mon arrière-grand-père Marie Nicolas, dit Léon. Je crois qu’il est important de noter ces renseignements dans notre généalogie. Ils donnent de la vie à nos ancêtres pour ceux qui nous succéderont. Mais pour les autres, ceux dont personne n’a jamais pu nous parler, c’est trop tard. Les archives ne nous révéleront jamais leur secret. 

jeudi 12 mars 2015

Raconter l'histoire d'un village

Quand, petite fille, je suis arrivée pour la première fois à Aussois (Savoie), en août 1959, ce village de montagne ne comptait que 350 âmes. C’était un village à l’économie agro-pastorale de subsistance, situé à 1 489 m. d’altitude en Haute-Maurienne. Les maisons étaient groupées autour de l’église, de style sarde, sur un plateau ensoleillé. Le tourisme « vert » était balbutiant : un seul hôtel, une maison familiale et quelques chambres à louer chez l’habitant.
 
Aussois dans les années 60 (archives personnelles)

Le tourisme « blanc » (sports d’hiver) qui attirait les citadins dans les grandes stations comme Chamonix, Megève, Courchevel, pointait tout juste le bout de son nez dans la région. A Aussois, il n’y avait que deux pistes et deux remontées mécaniques : le téléski de la Charrière et celui de la Dotta, derrière l’église (pour les débutants). 

Je venais d’une grande ville où la vie était bien différente. A Paris, chacun suivait son chemin sans s’occuper des autres, et dans les immeubles qui s’alignaient comme des boîtes d’allumettes, on ne connaissait même pas son voisin.

A Aussois, mes parents et moi nous avons tout de suite été accueillis chaleureusement. Nous étions logés chez l’habitant. Le confort était rudimentaire. On ne parlait pas encore d’écotourisme ni de gîte à la ferme, mais c’était cela en quelque sorte. Nous avions une chambre dans une maison traditionnelle donnant sur la place principale du village. Je suis vite devenue amie avec les quatre filles de la maison et j’allais jouer à « cache-boîte » avec elles et les autres enfants sur la place. Mes parents, de leur côté, ont sympathisé avec les gens du pays : les voisins, les commerçants, le facteur, le carillonneur, le garde-champêtre…

Nous sommes revenus l’année suivante, et encore l’année suivante, et ainsi de suite pendant des années. Tous les ans, nous passions un mois complet à Aussois, l’été. Le village était petit, tout le monde se connaissait et nous avons bientôt été adoptés.

Assise sur un banc devant la chapelle Saint Roch, la vieille Sido, toute vêtue de noir, m’a enseigné (un peu) le patois du pays. Félix Colly, le carillonneur, m’a permis de monter avec lui dans le clocher et m’a montré comment il faisait sonner les quatre grosses cloches. Angelo Pellegrinelli m’a appris à traire les vaches. Marie m’a montré comment faire le beurre de baratte.

Je m’étais fait beaucoup d’ami(e)s. Certains noms de famille revenaient souvent. Des patronymes typiques de la région, comme : Bois, Col, Ratel, dont on comprend facilement l’étymologie. Et puis d’autres, fréquents à Aussois, comme : Arnaud, Chardonnet, Colly, Couvert, Damevin, Détienne, Fressard, Gros, Lathoud, Marnézy, Sanz, etc.

Je demandais à mes copines quel était le lien de parenté entre un tel et une telle. Et parfois je m’embrouillais : Félicien Col, toujours assis sur le banc devant sa maison, comme un patriarche, avec son chapeau noir, n’était pas le grand-père de Fifine, mais celui de Nicole. Nous avons participé aux travaux des champs (les foins, les moissons), nous sommes montés à l’alpage avec les vaches. Nous n’avions pas de voiture, pas de téléphone, pas de télévision. La vie était encore presque la même qu’au XIXe siècle.
 
Intérieur d'un chalet d'alpage (collection personnelle)

Les années ont passé et je me suis mise à la généalogie. C’est d’ailleurs grâce à (ou à cause de) deux amies aussoyennes que je me suis intéressée à cette discipline. Alors, bien que je ne recherche pas mes propres ancêtres dans ce village, je tente de retracer l’histoire de ce petit village proche de la frontière qui est passé de l’Italie à la France.

Aujourd’hui, le nombre d’habitants a plus que doublé et je ne connais plus tout le monde comme autrefois. Mais Aussois a gardé son esprit « village » malgré l’afflux des touristes, et plutôt que de généalogie, je devrais parler d’histoire. Oui, ce que je cherche à reconstituer, sans remonter jusqu’à Mathusalem, c’est la vie et les coutumes d’un village et des gens qui ont précédé ceux que j’ai connus. Je ne suis encore qu'au tout début de mon projet.

Cette quête de racines me ramène au village de mes ancêtres : Moisenay, dans la Seine et Marne. Plusieurs générations de « Mouton » ont vécu dans ce village, qui n’en est plus un. En 1954, il comptait 740 habitants, et en 2012, 1269. D’après la monographie de Moisenay par Lhioreau, instituteur (ces monographies avaient été commandées à l’occasion de l’exposition universelle de 1900), cette commune se trouve à 10 km du Châtelet-en-Brie et à 8 km de Melun. Les communes voisines sont Saint Germain Laxis, Crisenoy et Fouju au nord, Blandy-les-Tours à l’est, Sivry au sud et Maincy à l’ouest dont il est séparé par le parc de Vaux-le-Vicomte.
 
L'église Saint Martin de Moisenay date du XIIe siècle
(voir le site de la commune de Moisenay)

Moisenay était un village exclusivement agricole. La seule activité industrielle était l’extraction de la pierre meulière dans des carrières. Le premier maître d’école était René Girard (de 1710 à 1740). Lui a succédé son petit-fils, Martin Quinsard. Il était en même temps vigneron et carillonneur. Malheureusement, il est mort à 26 ans, le 1er mars 1743, n’ayant été instituteur que pendant 3 ans à peine. Les successeurs sont Lhuillier, Maillard, Bronsard, Journault. Puis c’est Jacques Vol (1760-1806). C’est une période de grands changements : la Révolution et l’écroulement de la monarchie.

La tradition pesait encore sur les mentalités. On pensait que cela ne servait à rien d’apprendre à lire aux filles. Même la fille de l’instituteur Jacques Vol lui-même n’a jamais appris à lire ni à écrire ! Quant aux garçons, ils étaient envoyés au fur et à mesure des besoins grossir les rangs des armées de Napoléon !

Au début, pour être nommé instituteur (ou plutôt maître d’école), il suffisait d’un simple certificat de moralité délivré par le curé. A partir de 1833, Guizot songe à organiser l’instruction publique sur des bases solides et à prendre des mesures efficaces pour assurer le recrutement des instituteurs.

Les patronymes les plus fréquents à Moisenay étaient : Camus, Chéron, Dauvergne, Genelle, Girard, Gragy, Maillard, Moreau, Quettier, Ragan, Rebour, Robichon, Talon, Vidon, etc. Et, à force de rencontrer ces gens dans les registres en cherchant mes ancêtres (leur naissance, leur mariage, leur décès) j’ai un peu l’impression de les connaître personnellement, comme si j’avais moi-même vécu dans le village de Moisenay… Inutile de dire que ce pourrait être une bonne occasion de faire une balade dans la Brie dès le retour des beaux jours.

jeudi 5 mars 2015

Tel père, tel fils

Il m’est arrivé assez souvent, comme à tous les généalogistes, de trouver un même nom porté par le père et le fils, parfois même sur trois générations. Ces homonymes sont une source d’erreur si l’on n’y prend pas garde, surtout si l’on n’a pas déniché leurs actes de naissance, mariage et décès.

Mais cette fois-ci, je suis tombée sur cinq générations d’homonymes, et je ne suis pas sûre qu’il n’y en ait pas une sixième. Est-ce que c’était fréquent dans toutes les régions de France ? Est-ce que c‘est un record ? Je me le demande. Et vous ? Avez-vous dans votre généalogie de telles dynasties portant le même nom ?

Au début, je n’y ai pas prêté spécialement attention :

·         Jean Baptiste Santin, cultivateur, né en 1826 à Saint-Quentin (Aisne), époux de Désirée Clélie Lecomte, est mon sosa 62.
·         Jean Baptiste Santin, jardinier, maçon, né le 3 Nivôse an 7 (23 décembre 1798) à Saint-Quentin, section du levant, époux de Josèphe Ezélie Caillaux, est mon sosa 124
·         Jean Baptiste Santin, jardinier, né le 9 juillet 1776 à Saint-Quentin, paroisse Saint Jean, époux de Marie Louise Cécile Fauchet (ou Faucheux), est mon sosa 248

Archives départementales de l'Aisne, Saint-Quentin, Paroisse Saint Jean (p. 24/200)

« Le neuf juillet mil sept cent soixante et seize a été baptisé par moi curé de cette paroisse soussigné, Jean Baptiste fils né ledit jour du légitime mariage de Jean Baptiste Santin jardinier et de Marie Anne Josephe Bedue son épouse de cette paroisse. Le parein Jean Baptiste Santin son ayeul jardinier… »

Mais cela continue :

·         Jean Baptiste Santin, son père, né vers 1756, époux de Marie Anne Josèphe Bédue, est mon sosa 496. Il est le fils de :
·         Jean Baptiste Santin, né vers 1715, décédé le 7 octobre 1792, époux de Marie Delaporte. C’est mon sosa 992.

Et puis,
·         Jean Baptiste Désiré Santin, jardinier, né vers 1810… Tiens ! Qui est-il, celui-là ? C’est le petit-fils de mon sosa 248, le fils de Louis Joseph Santin, frère de Jean Baptiste Santin (sosa 124). C'est un collatéral. Il n'a pas de numéro sosa.

Ce qui est amusant, c’est que ces ancêtres ont pratiquement tous exercé le métier de jardinier, qu’ils habitaient dans le même quartier, à l’est de Saint-Quentin, le faubourg lillois, section du levant et qu’ils appartenaient à la paroisse Saint Jean. 

Je ne peux pas remonter plus loin, et le dernier Jean Baptiste Santin n’a eu que des filles, semble-t-il, dont mon arrière-arrière-grand-mère Désirée Clélie Santin. A moins que j’en découvre d’autres, par hasard ? Ce sont les charmes de la sérendipité (voir la gazette des ancêtres)...