jeudi 27 novembre 2014

Recherches généalogiques au Japon (3)

Un peu frustrée de ne pas pouvoir remonter davantage dans l’arbre généalogique de ma famille japonaise, et comme je suis têtue, j’ai voulu tenter de remonter la piste de Teshima, cet ancêtre directeur d’une école qui est enterré à Kôchi. Ma belle-mère se souvient qu’il devait s’appeler Dejima ou Teshima (pas de prénom), qu’il était directeur d’une école portant son nom « Teshima Juku » et qu’il est enterré dans le vieux cimetière de Kôchi (sur l’île de Shikoku).
J’ai suggéré à mon mari d’aller faire un petit voyage touristique à Shikoku. Quand il s’agit de voyages, mon mari est toujours d’accord ! Je me suis rendue avec lui à l’office du tourisme de Shikoku, à Tokyo, et nous avons réservé l’avion, l’hôtel et une voiture de location pour quelques jours. C’était début novembre 2010. L’automne est une saison très agréable au Japon, avec un temps généralement ensoleillé. Il ne fait pas encore froid, et les arbres se parent de couleurs magnifiques !

Dès notre arrivée, après avoir déjeuné d’un « bento » dans l’avion, nous sommes allés visiter le château de Kôchi, pour nous mettre dans l’ambiance. Il s’agit d’un château-fort, entièrement en bois, aux toits multiples, avec beaucoup d’escaliers à gravir. Le soir, fatigués par la visite du château, nous avons choisi un dîner typique dans un petit restaurant : au menu, un « Tosa han », du riz et des sashimis de katsuo (bonite) arrosés de deux sortes de sakés de fabrication locale (jizaké). Tosa est l’ancien nom de la province de Kôchi. Partout, on voit des images du héros local, Sakamoto Ryôma (en japonais, on donne toujours le nom de famille en premier, et le prénom ensuite). Sûr de lui, fringant, charismatique, Sakamoto Ryôma a toujours été un des personnages historiques préféré des Japonais (voir l’article de Tomomi Sasaki sur le site Global Voices). Justement cette année-là (2010) la NHK avait démarré en janvier la diffusion de la série télévisée historique « Ryomaden » (la légende de Ryôma). J’en avais regardé plusieurs épisodes.

La statue de Sakamoto Ryôma à Katsurahama (collection personnelle)

Ryôma a été l’un des personnages clés impliqués dans le renversement du shogunat des Tokugawa. Ce mouvement, attisé par le danger montant d’une colonisation occidentale, a mis fin à 300 ans de féodalité. Le Japon s’est alors évertué à devenir un pays industrialisé en se dotant d’un gouvernement moderne avec l’Empereur à sa tête, et s’est ouvert au commerce extérieur ». 

Sakamoto Ryôma, né le 3 janvier 1836 à Kôchi, fut assassiné le 8 décembre 1867 à Kyôto (âgé de 31 ans). Les samouraïs atteignaient rarement l’âge de 35 ans !

Fermons cette parenthèse historique et revenons au 3 novembre 2010. Après un petit déjeuner « continental » à l’hôtel « Orient Kôchi », nous avons pris le tram pour nous rendre à la gare, où nous avions réservé une voiture de location. Nous avons aussitôt pris la route du cimetière, en haut de la montagne. Mais c’étaient des tombes récentes, or nous cherchions le vieux cimetière. Une vieille femme nous a renseignés : les tombes anciennes étaient plus bas, dans la forêt, de part et d’autre d’un grand escalier.

Nous avons laissé la voiture en bas pour emprunter à pied le vieil escalier aux marches inégales qui serpentait à travers les tombes, éparpillées sous les arbres séculaires. Beaucoup d’entre elles étaient penchées, s’enfonçaient dans le sol, les stèles étaient couvertes de mousse et presque effacées. Enfin, quand on parvenait à déchiffrer une inscription, ce n’était pas le nom de famille réel du défunt mais son nom bouddhiste, accordé après sa mort pour la vie dans l’au-delà ! Cela ne facilite pas les recherches généalogiques !

Le vieux cimetière de Kôchi (collection personnelle)

L’atmosphère était oppressante. Nous montions et descendions, sans ordre ni méthode, parmi les les anciennes sépultures, nous penchant pour déchiffrer les inscriptions. Parfois, on pouvait lire sur le côté ou derrière la stèle un nom de famille. Pas de Teshima, ni d’Okamoto. Certaines pierres tombées étaient recouvertes de feuilles sèches et de terre. Il fallait les dégager pour lire quelque chose. Il fallut bien se rendre à l’évidence : sans indications précises, tout cela était vain.

Nous avions commencé à monter l’escalier à midi et demi. Il était une heure et demie bien passée. J’étais fatiguée et j’avais faim. Nous avons abandonné les recherches afin de nous mettre en quête d’un restaurant pour le déjeuner. Mais soudain, j’ai glissé dans l’escalier sur des feuilles sèches. Je suis tombée en poussant un cri. Ma cheville était foulée, peut-être même cassée. J’avais atrocement mal. J’ai eu un éblouissement. Je suis restée assise sur la marche le temps de reprendre mes esprits. Puis je suis redescendue lentement, en boitillant.

En bas, au temple, c’étaient les préparatifs pour la cérémonie de « Shichi-Go-San » pour les enfants de 7-5-3 ans. Un prêtre shinto en tenue est passé près de nous. J’ai supplié mon mari de l’interroger au sujet des tombes. Il a demandé quel était le nom de famille et nous a dit de l’attendre. Il allait regarder les registres. Je me suis assise sur une chaise. Ma cheville gauche me faisait très mal. Le prêtre est revenu avec des livres et nous a fait entrer dans une petite pièce. Il a feuilleté la table des noms. C’étaient tous des gens célèbres. Hélas, pas de Teshima. Il y avait bien un Okamoto mais nous ne savions pas le prénom, ni la date. Le prêtre avait aussi des cartes du cimetière, mais pour trouver il aurrait fallu avoir quelques précisions supplémentaires.  Tant pis. Nous l’avons remercié et nous sommes rentrés à l’hôtel.

Ainsi disparaissaient mes derniers espoirs de compléter ma généalogie au Japon.

jeudi 20 novembre 2014

Le village d'un de mes ancêtres

Un de mes plus lointains ancêtres, Nicolas MOUTON, berger (et oui ! cela ne s'invente pas !), est né en 1682 à Ozouer-le-Voulgis. C'est le deuxième enfant (le premier fils) de Pierre MOUTON et de Jeanne CAGNIER, qui se sont mariés le 24 janvier 1678. J’ai voulu découvrir son village d’origine, bien que je me doute qu’il a dû beaucoup changer depuis le XVIIe siècle.

Mon mari et mon fils, comme toujours, n'étaient guère enthousiastes à l'idée de faire une balade généalogique. Heureusement, j'ai eu la bonne idée de commencer par le village de La Houssaye-en-Brie, où était née (en 1845) et avait vécu Georgina Louise Eugénie DAAS, une lointaine parente. A l'entrée du village, une pancarte a attiré mon attention : "La ferme au chocolat". Le logo, une poule, me semblait familier. Je leur ai proposé d'aller voir. En effet, c'était un atelier artisanal de chocolat (ils ont une boutique près de chez nous, à Nogent-sur-Marne). Nous étions un dimanche, donc nous n'avons pas pu voir comment s'effectuait le travail, mais nous avons pu déguster un chocolat (délicieux) et en acheter pour ma fille, mon gendre et mes petits-enfants gourmands...

La ferme au chocolat, à la Houssaye-en-Brie (Seine et Marne)
(collection personnelle)

Tout le monde avait retrouvé sa bonne humeur. Nous avons visité au passage Fontenay-Trésigny (Seine et Marne), sur la nationale 4, un gros bourg où ont vécu plusieurs de mes ancêtres. L’ancien château du Duc d’Epernon était triste à voir (un grand bâtiment en ruines, à vendre par lots). Enfin nous avons pris la route de Guignes, vers le sud et une route étroite nous a menés à Ozouer-le-Voulgis. Ce nom signifie étymologiquement "oratoire", transformé par une évolution phonétique normale en "ozouer" ou "ozoir". Cet oratoire appartenait à un dénommé "Voulgis". 

Ozouer-le-Voulgis, arrondissement de Melun, canton de Tournan-en-Brie, compte aujourd’hui environ 1.815 habitants (chiffre de 2011), qu’on appelle les Ozouériens. En 1836, (plus ancien recensement disponible), il n’y avait que 845 habitants, alors j’imagine qu’en 1682 ce n’était qu’un minuscule village rural d’une centaine d'âmes (ou moins)… Et pourtant, cette commune possède une imposante église, l’église Saint Martin.

L'église Saint Martin d'Ozouer-le-Voulgis

Sur le site officiel d’Ozouer-le-Voulgis, j’ai trouvé l’histoire et la description des trésors de cette église, site protégé et classé monument historique. L'édifice de style Renaissance a été édifié vers 1530-1540 sur l’emplacement d’un ancien oratoire fondé en 1206, et restauré vers 1727. Son clocher culmine à plus de 30 m au dessus de la campagne briarde.

L’église était entourée du manoir seigneurial et de la ferme des Célestins de Marcoussis, dont une porte, actuellement bouchée, faisait communiquer le bas-côté sud et la cour de la ferme. La chapelle de ce bas-côté sud est précisément celle des Célestins dont les armes ornent la clef de voûte.

L’église était fermée. Nous n’avons pas pu la visiter. Mais j’étais émue à la pensée que c’était ici, dans la paroisse Saint Martin d’Ozouer-le-Voulgis, que mon ancêtre Pierre MOUTON avait épousé Jeanne CAGNIER le 24 janvier 1678, et que son fils Nicolas MOUTON, berger, s’est marié, le 19 juillet 1706 avec Anne GOUPY. Les témoins ont été Jean GOUPY, frère de la mariée, Charles MOUSSAULT et Jacques MENESIER. L’église n’était peut-être pas en très bon état, puisqu’il a fallu la restaurer en 1727, mais c’était bien la même église massive, étonnante pour un si petit village, que j'avais devant les yeux. La religion – mêlée de superstition – jouait un rôle important dans la vie de nos ancêtres paysans.







jeudi 13 novembre 2014

Portrait d'un poilu (4) : un parent éloigné

Cette fois-ci, je vais essayer de faire le portrait d’un poilu que je ne connais pas. Un jour, j’ai reçu un coup de téléphone d’une personne membre d’une association de généalogie qui recensait tous les noms des poilus inscrits sur le monument aux morts de sa commune. Elle avait trouvé sur geneanet le nom d’un de ces poilus sur mon arbre et elle voulait savoir si j’avais une photo de lui. Hélas, non, car c’est un parent assez éloigné. En revanche, elle m’a fourni un renseignement que je ne possédais pas : il figurait sur le monument aux morts de Pontault-Combault (Seine et Marne). Il était « Mort pour la France ». Ainsi a commencé mon enquête.
Le monument aux morts de Pontault-Combault

Roger Henri LADOUET est né le 24 mai 1896 à Pontault-Combault (Seine et Marne). Il est le fils de Célestin LADOUET, 27 ans, boulanger, et de Cécile Julie FLEURY, 22 ans. Les témoins à sa naissance étaient Adolphe TOULLEC, 78 ans, rentier, et Augustin BAYOL, 30 ans, boucher.

Il avait un frère, Raoul Maurice LADOUET, né un an plus tôt, le 28 janvier 1895 à Pontault-Combault également, qui a eu pour témoins à sa naissance Louis BOURGEOIS, 46 ans, maçon, et Alexandre BRANDIN, 44 ans, peintre en bâtiment. Il a survécu à la guerre et s’est marié à Lésigny (Seine et Marne) avec Simone Augustine SOUTIN.

Célestin LADOUET, le père de notre poilu, était le fils de Victor Isidore LADOUET, tuilier, et de Juliette DEVILLARS, tous deux originaires du département de l’Yonne. Ils se sont installés à Courtenay, dans le Loiret, et ont eu quatre enfants : Célestin, Arthur, Juliette et Désiré.

Juliette LADOUET, née le 18 mai 1881 à Courtenay (Loiret), a épousé Charles Alexandre MOUTON (enfin, voilà le lien !) le 30 janvier 1901 à Pontault-Combault. Etaient témoins à leur mariage : Pierre Baptiste GUYOT, 45 ans, manouvrier, et Marie Jean Louis MONNET, 29 ans, entrepreneur de maçonnerie, demeurant tous deux à Verneuil-l’Etang (Seine et Marne). Charles Alexandre MOUTON, boulanger, né le 27 mars 1874 à Verneuil-l’Etang, était le fils de Marie Nicolas MOUTON, domestique, et de Hermine Victorine Léonie GRANDAY. Il avait deux frères : Louis Marie MOUTON et Marie Nicolas MOUTON (dit Léon), mon arrière-grand-père.

Revenons à Roger LADOUET, notre poilu. On devait prononcer ladoué, si j’en juge par les orthographes anciennes sur les actes de ses ancêtres. Roger a donc passé son enfance dans la commune de Pontault-Combault, allant à l’école communale, jouant et se disputant avec son frère Raoul, aidant peut-être ses parents à la boulangerie. Puis la guerre a éclaté. Il avait 18 ans. Il a été mobilisé et affecté au 156e R.I. (régiment d’infanterie). C’est lors de la bataille de la Somme qu’il a perdu la vie « tué à l’ennemi » à Hardecourt au Bois (Somme) le 2 juillet 1916.

Je n’ai jamais joué aux petits soldats de plomb, mais en lisant le journal des marches et opérations, j’ai l’impression que nos poilus étaient des pions que l’on déplaçait suivant les besoins sur le champ de bataille.

Les objectifs
D’après l’historique du 156e Régiment d’infanterie (qu’on appelle le quinze-six), la VIe armée, encadrée au nord par la IVe armée britannique, devait prendre l’offensive sur les deux rives de la Somme. Le 20e C.A. opérait au nord de la Somme, avec deux D.I. Sa mission était de couvrir la droite de l’armée anglaise et d’attaquer en liaison avec elle. La 39e D.I. avait pour mission de couvrir l’attaque des Anglais sur Montauban. A cet effet, elle devait enlever le bois d’En-Haut, le bois Sans-Nom et le bois Favière.

Schéma de la bataille de la Somme (d'après le J.M.O. sur Mémoire des Hommes)

Le déroulement de l’attaque
La 77e attaque à gauche, le 15-6 à droite. Le 160e est maintenu en réserve. Le 15-6 mène l’attaque, 2e bataillon à gauche, 1er bataillon à droite. Les bataillons sont eux-mêmes sur quatre vagues ; chacun des bataillons de première ligne fournit une compagnie de réserve de régiment (2e et 5e compagnies). Le 3e bataillon est réserve de brigade. Les objectifs sont : bois d’En-Haut, avec postes avancés vers la voie ferrée et la ferme Klafham (1er bataillon) bois Sans-Nom et carrière du bois Sans-Nom (2e bataillon).

Le 1er juillet à 7h 30, l’attaque se déclenche. Le 2e bataillon atteint sans difficulté son objectif. Le 1er bataillon engage une courte lutte dans le bois d’En-Haut qu’il enlève à la grenade. A 8h 15, tous les objectifs sont atteints. Le 3e bataillon franchit à son tour les lignes sous un barrage un peu plus dense et vient se placer en réserve dans les anciennes tranchées ennemies. Le régiment fait environ 300 prisonniers, dont un chef de bataillon. Dans la journée, la réaction d’artillerie est plus sérieuse et provoque quelques pertes. Les pertes totales de la journée sont de : 1 officier tué (sous-lieutenant MOREL), 2 officiers blessés (lieutenant COEUILLET et sous-lieutenant DEMARNE), soldats : 21 tués, 130 blessés.

Le 2 juillet, au cours de la nuit, le bombardement devient intense. Vers 1h 30, une violente contre-attaque est repoussée par les feux. A 4 heures, au petit jour, une nouvelle contre-attaque, plus violente encore, se déclenche, mais les hommes sont tous à leurs postes et l’attaque ne peut atteindre nos lignes. L’ennemi subit de lourdes pertes et laisse 50 à 60 morts dont 4 officiers sur le front d’une seule section. Les morts appartiennent au 156e, 63e, 6e, 38e R.I. et 23e chasseurs à cheval. Le total des pertes du 2 juillet s’élève à 39 tués et 73 blessés, dont 4 officiers (sous-lieutenants). Roger Henri LADOUET faisait partie des 39 soldats tués. Il avait tout juste vingt ans.








jeudi 6 novembre 2014

Portrait d'un poilu (3) : mon grand-père paternel

Mon grand-père paternel, André Léon MOUTON, que je n’ai pas connu, est né le 3 mai 1896 à Villiers sur Marne (actuel Val de Marne). Il était le fils de Marie Nicolas MOUTON (dit Léon) – je n’ai jamais su la raison de ces changements de prénoms, fréquents à l’époque, puisque mon grand-père maternel, lui aussi, qui se prénommait officiellement Marcel Alfred, se faisait appeler (ou on l’avait surnommé) Maurice – et de Henriette Anna Garnier, couturière. A l’origine, André était maçon, comme son père. Mais, confronté au manque d’opportunités en temps de crise dans le bâtiment, il est entré à la STCRP (Société des Transports en Commun de la Région Parisienne, l’ancêtre de la RATP (Régie Autonome des Transports Parisiens) où il est devenu conducteur d’autobus (on disait « machiniste »). C’était un métier bien différent de celui des conducteurs d’autobus d’aujourd’hui. Les moteurs crachaient leurs gaz d’échappement en hauteur, au niveau du machiniste, il n’y avait pas de direction assistée, et il fallait effectuer un double débrayage (en repassant au point mort à chaque fois) pour passer les vitesses…

Mon grand-père André Mouton

Quand la guerre éclate, mon grand-père a 18 ans. Inscrit sous le numéro 226 de la liste du canton du Raincy, il est incorporé le 12 avril 1915 et arrive au corps le lendemain. Il est en formation, j’imagine, jusqu’au 13 juillet 1915 dans une U.N.C. (unité non combattante). Le 16 mars 1916, il passe dans le 19ème bataillon de chasseurs à pied. Puis il est envoyé aux armées (unité combattante) le 14 juillet 1916. Il est blessé le 27 septembre 1916 à Bouchavesnes-Bergen, dans la Somme (plaie au bras gauche par éclat d’obus). Il est alors hospitalisé et affecté à l’intérieur (dépôt). Il est à nouveau hospitalisé pour sa rééducation du 18 mai au 14 août 1917. Le 6 septembre 1917, il est classé service auxiliaire par la commission de réforme d’Alençon pour : « limitation des mouvements d’extension du coude gauche ankylosé » (blessure de guerre). Le 20 mars 1918, il passe au 104ème régiment d’infanterie, et le 5 juillet 1918 à nouveau au 19ème bataillon de chasseurs à pied. Il est maintenu dans le service auxiliaire apte au front par la commission de réforme de Chartres du 5 août 1918 pour « limitation des mouvements d’extension du coude gauche suite de rétractation tendineuse, paralysie incomplète du radial ». Il est mis en congé illimité de démobilisation 6ème échelon le 4 avril 1919.

Ce que ne précise pas sa fiche militaire, je l’ai trouvé dans les Journaux de Marche et Opérations sur le site Mémoire des Hommes. Mon grand-père a participé à la bataille de la Somme qui se prépare dès le 14 septembre 1916 au camp 55, dans les bois, près de Cérizy-Gailly. Le 18, on conduit les hommes du 19ème bataillon de chasseurs à pied, en auto, à Suzanne, où ils débarquent dans l’eau et la boue. Le soir, en passant par Curlu, ils gagnent les carrières de Tatoï, au nord de Hem. Puis dans la nuit du 20 au 21, ils entrent en ligne à Bouchavesnes et la ferme de Bois Labbé. Sur ce champ de bataille, les mouvements sont rendus difficiles par la pluie, la boue, l’état des sols. En outre, l’ennemi possède d’excellents observatoires au mont Saint-Quentin, ce qui limite les mouvements, car les chemins sont constamment battus par le canon ennemi jusqu’à des distances considérables du front de combat. Après quelques jours en 2ème ligne à la tranchée de Hanovre, le 19ème bataillon revient à Bouchavesnes-Bois Labbé dans la nuit du 27 au 28. La carrière de Bouchavesnes, P.C. du bataillon et centre des réserves, est un nid à obus. C’est là que mon grand-père a été blessé.
 
Mon grand-père en tenue de chasseur à pied

Le 19 juillet 1919, la guerre finie, André Léon MOUTON épouse Henriette Marie Châtelain, couturière, et le 3 novembre de la même année (c’est un peu court, comme période de gestation, il me semble) sa femme accouche (prématurément) de deux enfants (jumeaux) : Argentine Anna (ma tante et marraine) et Marcel André (mon père). A ce propos, je viens d’apprendre récemment par la télévision que le premier né des jumeaux n’est pas, contrairement à ce que l'on croit, l’aîné, mais le puîné, car l'aîné, ayant été conçu en premier, est au fond de l’utérus. Ainsi, mon père, né après sa sœur, était sans doute l’aîné. Il ne s’en doutait pas.

Ce que j’ignore aussi, c’est où et comment mon grand-père a rencontré ma grand-mère. A la faveur de la guerre, je suppose. Après la bataille de la Somme, au cours de laquelle il a été blessé, il a été hospitalisé. En fonction des places dans les hôpitaux, on a très bien pu l’envoyer dans la Marne. Or, ma grand-mère est champenoise… Mais comment retrouver ces détails ? Je vais tenter d’écrire au service des archives médicales et hospitalières des armées (SAMHA) à Limoges.

Finalement, mon grand-père a eu de la chance. Il a échappé (presque) indemne au grand carnage de la guerre de 14-18. Hélas, il est décédé d’un cancer le 13 août 1938 à Noisy le Grand. Il n’avait que 42 ans…