jeudi 25 décembre 2014

Le point sur mes recherches

Tout d’abord, je n’avais pas de programme précis. Pourtant, devant la difficulté croissante à trouver de nouveaux éléments dans les archives en ligne, je me suis décidée à aller consulter les archives départementales sur place. Pour commencer, fin janvier, je me suis rendue aux archives départementales de la Seine Saint Denis, à Bobigny. 

Les AD de la Seine-Saint-Denis

Il y avait très peu de monde en salle de lecture. Le personnel était très aimable et coopératif. On m’a fait une carte de lecteur et j’ai mis mes affaires dans un casier. J’ai commandé sur une fiche, en indiquant leur cote, les listes électorales de Noisy-le-Grand et… 5 minutes plus tard, j’avais de gros cartons à ma disposition ! Je n’ai pas appris grand-chose, sauf l’adresse de mon grand-père, de mon arrière-grand-père et de mon grand-oncle en 1909, 1914, 1920, 1930 et 1939. Cela me sera utile pour retracer leur ligne de vie, avec leurs déménagements.

Listes électorales de Noisy-le-Grand (AD de Seine-Saint-Denis)

Puis, j’ai consulté le tableau de recensement de la classe 1916, dans lequel j’ai trouvé la fiche de mon grand-père André Léon Mouton, que je n’ai pas connu car il est mort en 1938, à l’âge de 42 ans. J’y ai appris qu’il avait les cheveux bruns et les yeux gris (comme mon père), choses qu’on ne voit pas sur les photos d’époque sépia ou en noir et blanc. Il avait un degré d’instruction de 3 (savait lire, écrire et compter, niveau fin d’études primaires). Il savait monter à cheval, conduire et soigner les chevaux et faire du vélocipède. Il avait obtenu des prix de tir et de gymnastique, mais il ne possédait pas le brevet de conducteur d’automobile. Il a dû le passer plus tard, car il est devenu ensuite « machiniste » d’autobus à la S.T.C.R.P. (Société des Transports en Commun de la Région Parisienne), l'ancêtre de la R.A.T.P. Je n’avais pas fait de grandes découvertes, mais j’étais satisfaite de ma première journée aux archives !

Le 4 février, je suis allée aux archives départementales des Hauts de Seine, à Nanterre. 

Les AD des Hauts de Seine

J’ai demandé à consulter les listes électorales de Gennevilliers, où est décédé mon arrière-arrière-grand-père Nicolas Mouton. Première consultation : juin 1871. Nicolas Marie Mouton n’était pas inscrit. Petite déception. Rien non plus dans les communes voisines (Asnières, Colombes, Courbevoie, Nanterre, Puteaux et Suresnes). Deuxième registre : octobre 1871. Rien non plus. Nicolas Mouton n’était donc pas allé tout de suite à Gennevilliers après sa disparition de son dernier domicile. Je voulais consulter les recensements de population entre 1870 et 1887 à Gennevilliers mais, curieusement, contrairement à la Seine et Marne, il n’y en a pas. Ma visite s’est donc révélée décevante.

Le 7 février, je suis allée aux Archives de Paris, boulevard Sérurier. J’y cherchais l’adresse du frère d’Hermine Granday, Armand Granday, cuisinier. J’ai trouvé dans le Bottin de Paris, de 1854 à 1862, un certain Granday (pas de prénom), limonadier au 280, rue St Martin. Ce pourrait bien être lui, car il s’est marié en 1861 avec une jeune fille qui habitait rue de la Michodière, dans le 2ème arrondissement. En 1863, il n’était plus là. Où s’était-il installé ?

Le 11 février, je suis allée aux Archives diplomatiques de La Courneuve. En effet, j’avais entendu dire par mon père que « les Granday étaient partis aux Etats-Unis pour y faire de la soupe à la tortue ». J’espérais y retrouver leurs traces. Le bâtiment tout neuf ressemble un peu à une prison. L’entrée est décourageante. Il y a d’abord un sas comme dans les banques : « appuyez », « attendez », « entrez », puis la fouille des bagages, comme à l’aéroport, et enfin un employé derrière une épaisse paroi vitrée qui vous demande vos papiers… Ensuite on traverse une grande cour, on passe encore deux portes et on arrive à l’accueil, à gauche, où on vous redemande votre carte d’identité. Prise de photo sur-le-champ et enfin on me délivre une carte et un badge avec une clé pour le vestiaire.  

Les archives diplomatiques de La Courneuve

A l’accueil de la salle de lecture, on m’oriente vers la salle des inventaires où, après une petite attente, l’archiviste écoute mon histoire. S’ils sont devenus américains, comme je le pense, pour pouvoir exercer leur activité aux Etats-Unis, ils ne sont pas immatriculés au consulat de France et on ne les trouvera pas ici. Elle me conduit néanmoins vers sa collègue qui a les inventaires des archives diplomatiques de Nantes sur son ordinateur. Elle cherche les noms de Granday et de Mouton, mais rien ! Ce n’est pas la bonne piste. Il faudrait, me dit-elle, contacter l’ambassade des Etats-Unis à Paris ou prendre un généalogiste professionnel… Pas question ! Je ferai mes recherches moi-même, et tant pis si cela prend davantage de temps. Tout le plaisir réside dans la recherche, pas dans le résultat !

J’avais déjà une petite collection de cartes d’archives. J’ai décidé de faire une pause pour mettre au clair ce que j’avais trouvé et ce que je cherchais encore.  

Et je me suis posé les questions :
- qu’est-ce que la généalogie pour moi ?
- quel but est-ce que je veux atteindre ?
- comment m’y prendre ?

La généalogie, pour moi, c’est reconstituer autant que possible la chaîne des générations, pas seulement des noms et des dates, mais aussi la vie des gens, leur métier, leur village, leur parcours sur l’échelle sociale. Le but que je vise est d’écrire un ouvrage illustré, je ne sais pas encore sous quelle forme, à mi-chemin entre l’histoire et le roman, avec pour personnages mes ancêtres.
Comment m’y prendre ? J’essaierai de compléter mes branches maternelles que j’ai fortement négligées, bien à tort. Je lirai plus en détail les registres, à la recherche d’éléments historiques ou d’événements locaux.

Grâce aux blogs d’amis généalogistes plus chevronnés, j’ai trouvé de bons exemples, des trucs, des conseils. Je pense qu’ils vont m’aider à progresser l’année prochaine. Voilà mes projets pour 2015.

jeudi 18 décembre 2014

Un blocage

Je voudrais tenter de retracer la trame de la vie de Nicolas Marie MOUTON (qui n'est peut-être pas réellement mon arrière-arrière-grand-père, mais ça ne fait rien !). C'est un personnage insaisissable. Il est né le 21 janvier 1823 aux Ecrennes (Seine et Marne), fils d’Antoine Edme MOUTON, charron, et de Marie Anne Elisabeth LEFRANC. Il est le cinquième d’une famille de huit enfants. Son frère aîné, Isidore Antoine Edme est devenu charron, comme son père, à Maincy. Ce village se trouve juste à côté du château de Vaux-le-Vicomte… et j’imagine qu’il a peut-être fabriqué ou réparé certaines roues des carrosses qu’on peut voir au Musée des équipages, dans une partie des anciennes écuries du château. Son frère cadet, Bazile Adolphe, est aussi devenu charron et a pris la succession de son père dans son village natal des Ecrennes. Son plus jeune frère, Charles, est devenu « conducteur de voitures ».


Une voiture, au musée des attelages de Vaux-le-Vicomte
(collection personnelle)

Mais revenons à mon arrière-arrière-grand-père Nicolas Marie MOUTON. Comme je continuais, avec patience, mais sans conviction, à feuilleter (virtuellement) les registres de recensement, à la recherche de personnes de ma famille, je suis tombée par hasard, en 1856, à Roissy, dans le canton de Tournan, sur "Nicolas MOUTON, 32 ans, charron, chef de ménage". Seul ! Adresse : Les Friches, à Roissy. C'était un renseignement précieux. Il s'était donc marié avant 1856, mais déjà il ne vivait plus avec sa femme. J'ai cherché dans le recensement suivant, en 1861. Malheureusement, Nicolas MOUTON avait déménagé. 

Où était-il donc allé ? Sur l’acte de mariage de mon arrière-grand-père Marie Nicolas MOUTON, le 24 août 1895, quelques lignes confirment que son père a disparu : "Le susdit MOUTON Nicolas Marie, père du futur, disparu de son dernier domicile dans le courant de l’année mil huit cent soixante ? (illisible) sans avoir donné de ses nouvelles depuis cette époque, ainsi que l’atteste l’acte de notoriété d’absence délivré sur papier libre le onze juillet mil huit cent quatre vingt quinze par Monsieur le Greffier de la Justice de Paix du canton de Mormant et dûment enregistré le lendemain pour servir au mariage d (illisible)...


"Les réservistes 1870" par Pierre-Georges Jeanniot
(wikimedia.org/wikipedia/commons)

Mais quelques années plus tard, le 31 janvier 1901, sur l'acte de mariage de son frère Charles Alexandre, âgé de 26 ans, garçon boulanger, une partie du voile se lève : j’apprends que son père, MOUTON Marie Nicolas (l’ordre des prénoms est inversé) est décédé à Gennevilliers, arrondissement de Saint-Denis (Seine) le 26 septembre 1887, âgé de 64 ans. Ainsi, mon arrière-arrière-grand-père est décédé à Gennevilliers ? Qu’était-il allé faire là-bas ? Le mystère s’épaissit. Pour l’instant, je ne trouve pas d’explication logique. Une supposition, toutefois, vu la date de la naissance de son fils, le 12 novembre 1870 : la guerre franco-prussienne. Selon mes calculs, Nicolas Marie MOUTON, qui se faisait appeler Nicolas tout court (d’après la déclaration de décès, faite par un voisin), aurait eu à l’époque 47 ans. Était-il encore dans l’armée de réserve ? S’était-il enfui pour échapper aux combats ? Est-ce qu’il venait de se marier ? Était-ce un second mariage ? Cela fait beaucoup de questions sans réponses.

Pourtant, après une période de découragement, j’ai repris mes recherches dans une autre direction. Et, comme cela arrive souvent, c'est en m'intéressant à un cousin d'Armand GRANDAY, Hippolyte LECUYER, sur la commune d'Aubepierre, canton de Mormant, qu'en regardant les tables décennales de ce village entre 1843 et 1852 je suis tombée sur le mariage de Nicolas Marie MOUTON avec Léonie Victorine Hermine GRANDAY (les prénoms sont inversés) le 21 mai 1850 à Aubepierre. C'est là qu'habitait Hermine, chez ses parents. Cela faisait trois ans que je cherchais cet acte. J'avais demandé de l'aide partout, en vain. Pourtant, j'aurais pu le trouver moi-même. J'avais laissé passer un indice : dans les recensements de 1846, j'avais noté qu'Hermine, 15 ans, habitait à Aubepierre chez ses parents.

Voilà ! J'ai donc les actes de naissance, de mariage et de décès de mon ancêtre. Mais cela ne me suffit pas. Je sais qu'il a disparu vers 1870, à la naissance du premier enfant de sa femme. Pour aller où ? Pour faire quoi ? A-t-il été condamné ? L'enquête continue...


jeudi 11 décembre 2014

Des débuts semés d'embûches (2)

Alors que j’envisageais de me lancer dans la lecture un peu fastidieuse des recensements, un jour, coup de théâtre, ma mère me raconte un souvenir qui lui était revenu à la mémoire. La grand-mère Anna (mon arrière-grand-mère, la femme de Marie Nicolas Mouton, dit Léon) lui avait dit à plusieurs reprises : « On ne devrait pas s’appeler Mouton, mais Naud ». Pourquoi ? Voilà qui changeait tout. Et qui était le mystérieux Monsieur Naud ?

Quelques semaines plus tard, mon père me fournit un nouvel indice. Il se souvenait du « père Naud » (sans jeu de mots), qui était marié avec « la vieille Blanche ». Ils avaient une maison à Pontault-Combault et il était allé les voir, quand il était petit, avec sa grand-mère Anna. J’avais donc une nouvelle piste…

Cependant, j’hésitais à aborder les gros registres de recensements, qui me faisaient un peu peur. J’ai commencé par chercher dans les tables décennales l’acte de mariage de Nicolas Marie Mouton avec Hermine Victorine Léonie Granday. Cet acte était introuvable ! Ni dans la commune de naissance d’Hermine (Fontenay-Trésigny), ni à Verneuil-l’Etang, où sont nés ses enfants, ni à Pontault-Combault, dont m’avait parlé mon père. Où et quand ces deux-là s’étaient-ils bien mariés ?

A la naissance de mon arrière-grand-père Marie Nicolas Mouton (dit Léon), en 1870, sa mère avait 39 ans. Était-ce vraiment son premier enfant ? Était-ce son premier mariage ? Autant de questions sans réponse.

J’ai donc fini par me résoudre à consulter les recensements. Les gens sont recensés par canton et, à l’intérieur de chaque canton, par ville ou village. Les noms n’étaient pas par ordre alphabétique. Il fallait lire toutes les pages, ligne par ligne, rue par rue. Cela m’a pris beaucoup de temps. Certains soirs, j’en avais mal aux yeux, à force de lire les noms sur l’écran de mon ordinateur. La première personne que j’ai trouvée, en 1841, dans le canton du Châtelet, c’est mon arrière-arrière-grand-père Nicolas Marie Mouton (18 ans) chez ses parents, dans son village natal des Ecrennes. Le village comptait 364 habitants. Mais en 1846, lors du recensement suivant, Nicolas n’était plus là. Il avait dû partir au service militaire. Le service durait 7 ans, à l’époque, si on ne pouvait pas se faire remplacer.

A la même époque (en 1846), dans le canton de Mormant, vivait chez ses parents, à Aubepierre, Hermine Victorine Léonie Granday (15 ans) et son frère Armand (13 ans). Où, quand et comment Nicolas et Hermine s’étaient-ils rencontrés ?

Grâce à l'indice fourni par mon père, j'ai regardé à Pontault-Combault, canton de Tournan. En 1846, j’y ai trouvé plusieurs familles NAU. Était-ce dans l'une de ces familles que vivait l’« ami » d’Hermine Granday ?

En 1851, à Aubepierre, Hermine (20 ans) n’habitait plus chez ses parents. Son frère Armand (18 ans) non plus. Où étaient-ils ? Où les chercher ?

Soudain, j’ai eu une idée un peu farfelue. Sautant 40 ans, j’ai cherché dans les recensements de 1891 et – ô surprise ! – j’ai trouvé à Pontault-Combault, rue du Château-Gaillard, une étrange famille :

Recensement de 1891 à Pontault-Combault, canton de Tournan
(Seine et Marne)

Nau Louis, 49 ans, journalier, chef de ménage
Granday Léonie, 49 ans, couturière, épouse
Mouton Léon, 21 ans, maçon, fils de l’épouse
Mouton Louis, 19 ans, domestique, fils de l’épouse
Mouton Charles, 17 ans, jardinier, fils de l’épouse
Granday Hermine, 78 ans, sans profession, aïeule

Voilà ! Ils étaient tous là ! Il y avait cependant quelques erreurs. Léonie (Hermine Victorine) n’avait pas 49 ans, mais 59 ans. Et on appelait déjà Marie Nicolas de son surnom « Léon ». Mais le mystérieux compagnon d’Hermine était bien Louis Nau !

Procédant à reculons, j’ai retrouvé la famille Nau en 1886 à Pontault-Combault. Cette fois, Louis Nau avait carrément déclaré les enfants comme les siens :
Nau Jean-Baptiste [1] 43 ans, manouvrier, chef de ménage
Granday Léonie, 53 ans, couturière, son épouse
Nau Léon Octave[2] 16 ans, leur fils
Nau Louis Marie, 14 ans, leur fils
Nau Charles, 12 ans, leur fils
Granday Hermine, 73 ans, aïeule.

En 1881, à Pontault-Combault :
Nau Louis Jean Baptiste, 39 ans, manouvrier
Granday Léonie Victorine, 50 ans, manouvrière
Nau Louis Marie, 10 ans
Nau Charles Alexandre, 8 ans
Tiens ? le fils aîné Marie Nicolas Léon Octave n’était pas là ?

En 1876, ils n’habitaient pas encore à Pontault-Combault. C’est à Verneuil-l’Etang, canton de Mormant, rue de Pecqueux, que commence l’histoire…
Granday Louise Victorine, femme Mouton, journalière, 44 ans, née à Fontenay
Mouton Marie Nicolas, son fils, 6 ans, né à Verneuil
Mouton Louis Marie, son fils, 4 ans
Mouton  Charles Alexandre, son fils, 2 ans
Neau[3] Louis, manouvrier, 33 ans, né à Pontault (Seine et Marne).

Je suis donc revenue en 1881 à Verneuil-l’Etang et j’y ai retrouvé mon arrière-grand-père. Il habitait avec sa grand-mère :
Gandouin Hermine, 68 ans
Granday Léon, 11 ans, le petit-fils.

Alors, qui est le père des enfants ?

Jusqu’ici, je voulais croire que Marie Nicolas, vu son prénom, était probablement le fils de Nicolas Marie Mouton, le mari d’Hermine Victorine Léonie Granday. La coutume voulait qu’on donne au fils aîné le même prénom que son père. Mais après avoir lu tous ces recensements, avec les changements de nom successifs de mon arrière-grand-père, et surtout en me rappelant la réflexion de mon arrière-grand-mère Anna à ma mère : « On ne devrait pas s’appeler Mouton, mais Naud », je dois me résigner à conclure que j’ai suivi une fausse piste. Par le sang, nous ne sommes pas des Mouton, mais d’après la loi, Hermine n’étant pas divorcée ni veuve, ses enfants étaient automatiquement réputés nés de son mari. Louis Nau, même s’il était réellement le père, ne pouvait pas en réclamer la paternité. Le second enfant, qui se prénomme Louis, vient corroborer cette thèse.

Il reste encore plusieurs questions sans réponse. La date et le lieu de mariage de Nicolas Mouton et d'Hermine Granday (elle, c'est sûr, c'est bien mon arrière-arrière-grand-mère !). Etait-ce un deuxième mariage ? Qu'est devenu Nicolas Mouton ? La saga continue. 






[1] J’ai vérifié : il s’appelait Louis Jean Baptiste Nau.
[2] C’est mon arrière-grand-père Marie Nicolas Mouton ! Il fallait le savoir !
[3] Ce n’est pas une faute. L’orthographe de son nom variait suivant le scribe.

jeudi 4 décembre 2014

Des débuts semés d'embûches (1)

Il y a 4 ans, quand j’ai commencé ma généalogie, je suis partie tête baissée sur ma branche paternelle (lignée agnatique), puisque c’était en France, jusqu’à très récemment, le père qui donnait son nom à la famille. Je ne le savais pas encore, mais ce n’était pas une bonne idée.

Au début, j’ai trouvé ça facile. Mes ancêtres étaient restés en Seine et Marne depuis plusieurs générations et ce département a mis en ligne tous les actes d’état-civil. J’ai donc pu remonter sans trop de difficultés jusqu’à mon arrière-grand-père Marie Nicolas Mouton. C’était très encourageant. Ma méthode était rudimentaire. Je notais à la main le résultat de mes recherches sur un petit cahier (oui, oui, ne riez pas !).

Puis je me suis décidée à taper tous les actes que j’avais trouvés et à les classer dans un dossier par ordre chronologique sur mon ordinateur. Par précaution, j’ai imprimé sur papier ces mêmes documents et je les ai rangés dans un dossier Exacompta.

^Baptême de Nicolas Mouton le 10 mars 1682 à Ozouer-le-Voulgis
AD de Seine-et-Marne, 5MI5380 (vue 32)

Je me suis inscrite sur Geneanet. J’ai commencé à rentrer les noms et les dates des événements (naissance, mariage et décès) des membres de ma famille. Cela m’a permis de visualiser mon arbre, encore peu fourni.

C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience de mon absence de méthode. En matière de généalogie, il faut être précis et rigoureux. Avec un logiciel spécial, ce serait peut-être plus facile ? J’ai acheté Heredis.

Comme le nombre de personnes de mon arbre augmentait et que je commençais à avoir du mal à m’y retrouver, j’ai inventé un tableau sur Excel pour noter et imprimer, à chaque génération, le père, la mère et tous leurs enfants. Je m’obstinais avec mon arbre ascendant agnatique… Je suivais toujours les pères, négligeant les branches maternelles. Pourtant, comme dit le dicton latin : « mater semper certa est, sed pater incertus ». On connaît avec certitude la mère (sauf cas de tricherie), mais il est difficile de prouver qui est le père (à cette époque, on ne connaissait pas l’ADN).


Ascendance de mon arrière-arrière-grand-père Nicolas Marie Mouton


C’est ainsi que je me suis cassé le nez dans ma recherche en arrivant à mon arrière-arrière-grand-père Nicolas Marie Mouton. Mais je n’ai pas compris tout de suite. J’ai encore remonté la lignée sur six générations, et j’étais très fière d’avoir trouvé un ancêtre, Nicolas Mouton, né en 1682 à Ozouer-le-Voulgis (Seine et Marne).

Mais est-il vraiment mon ancêtre ?
C’est une question de nom.

En relisant plus attentivement l’acte de naissance de mon arrière-grand-père, Marie Nicolas Mouton, le 12 novembre 1870 à Verneuil l’Etang, j’ai découvert que la déclaration avait été faite, de manière inhabituelle, par son grand-père maternel, Christophe Désiré Granday. L’enfant était né chez un certain Antoine Chevallier, dont on ne sait rien, et qui n’est pas de la famille, apparemment. La mère, Hermine Victorine Léonie Granday, avait 39 ans et le père, Nicolas Marie Mouton, domestique, âgé de 49 ans était absent, son domicile inconnu.

J’ai d’abord pensé que mon arrière-arrière-grand-père était allé chercher du travail dans une autre commune ou même dans une autre région, faute de trouver un emploi sur place. Cela se faisait couramment à l’époque. Mais s’il était vraiment parti travailler ailleurs pour nourrir sa famille, sa femme aurait su son adresse ! Alors je me suis dit que le bonhomme, un gagne-petit, effrayé par ses responsabilités de père qu’il ne pouvait pas assumer, avait quitté sa femme, quand elle s’était trouvée enceinte, et s’était volatilisé. Ou bien que le couple ne s’entendait pas bien et qu’il était parti.

En effet, deux ans plus tard, le 20 juin 1872, naissait à Verneuil l’Etang un second enfant, Louis Marie, déclaré cette fois par la sage-femme (j’ai su plus tard que le grand-père Christophe Désiré Granday était décédé le 3 février de la même année), « né de Hermine Victorine Léonie Granday, sans profession, âgée de 41 ans, domiciliée dans cette commune, épouse de Marie Nicolas Mouton, domestique, âgé de 51 ans, absent de cette commune et dont le domicile est inconnu »

Cette deuxième naissance confirmait ma seconde hypothèse. A moins d’imaginer que Nicolas Marie Mouton revenait chaque année en catimini faire un enfant à sa femme pour disparaître à nouveau ensuite, il fallait bien se rendre à l’évidence : Hermine Granday devait avoir un amant ! J’en ai eu l’intime conviction lorsque, deux ans plus tard, naissait un troisième enfant, Charles-Alexandre. Le père était toujours absent. Il me restait à trouver des preuves. Qui était l'amant ? Je me suis donc lancée dans une gigantesque battue dans les recensements de la Seine et Marne… (à suivre)

jeudi 27 novembre 2014

Recherches généalogiques au Japon (3)

Un peu frustrée de ne pas pouvoir remonter davantage dans l’arbre généalogique de ma famille japonaise, et comme je suis têtue, j’ai voulu tenter de remonter la piste de Teshima, cet ancêtre directeur d’une école qui est enterré à Kôchi. Ma belle-mère se souvient qu’il devait s’appeler Dejima ou Teshima (pas de prénom), qu’il était directeur d’une école portant son nom « Teshima Juku » et qu’il est enterré dans le vieux cimetière de Kôchi (sur l’île de Shikoku).
J’ai suggéré à mon mari d’aller faire un petit voyage touristique à Shikoku. Quand il s’agit de voyages, mon mari est toujours d’accord ! Je me suis rendue avec lui à l’office du tourisme de Shikoku, à Tokyo, et nous avons réservé l’avion, l’hôtel et une voiture de location pour quelques jours. C’était début novembre 2010. L’automne est une saison très agréable au Japon, avec un temps généralement ensoleillé. Il ne fait pas encore froid, et les arbres se parent de couleurs magnifiques !

Dès notre arrivée, après avoir déjeuné d’un « bento » dans l’avion, nous sommes allés visiter le château de Kôchi, pour nous mettre dans l’ambiance. Il s’agit d’un château-fort, entièrement en bois, aux toits multiples, avec beaucoup d’escaliers à gravir. Le soir, fatigués par la visite du château, nous avons choisi un dîner typique dans un petit restaurant : au menu, un « Tosa han », du riz et des sashimis de katsuo (bonite) arrosés de deux sortes de sakés de fabrication locale (jizaké). Tosa est l’ancien nom de la province de Kôchi. Partout, on voit des images du héros local, Sakamoto Ryôma (en japonais, on donne toujours le nom de famille en premier, et le prénom ensuite). Sûr de lui, fringant, charismatique, Sakamoto Ryôma a toujours été un des personnages historiques préféré des Japonais (voir l’article de Tomomi Sasaki sur le site Global Voices). Justement cette année-là (2010) la NHK avait démarré en janvier la diffusion de la série télévisée historique « Ryomaden » (la légende de Ryôma). J’en avais regardé plusieurs épisodes.

La statue de Sakamoto Ryôma à Katsurahama (collection personnelle)

Ryôma a été l’un des personnages clés impliqués dans le renversement du shogunat des Tokugawa. Ce mouvement, attisé par le danger montant d’une colonisation occidentale, a mis fin à 300 ans de féodalité. Le Japon s’est alors évertué à devenir un pays industrialisé en se dotant d’un gouvernement moderne avec l’Empereur à sa tête, et s’est ouvert au commerce extérieur ». 

Sakamoto Ryôma, né le 3 janvier 1836 à Kôchi, fut assassiné le 8 décembre 1867 à Kyôto (âgé de 31 ans). Les samouraïs atteignaient rarement l’âge de 35 ans !

Fermons cette parenthèse historique et revenons au 3 novembre 2010. Après un petit déjeuner « continental » à l’hôtel « Orient Kôchi », nous avons pris le tram pour nous rendre à la gare, où nous avions réservé une voiture de location. Nous avons aussitôt pris la route du cimetière, en haut de la montagne. Mais c’étaient des tombes récentes, or nous cherchions le vieux cimetière. Une vieille femme nous a renseignés : les tombes anciennes étaient plus bas, dans la forêt, de part et d’autre d’un grand escalier.

Nous avons laissé la voiture en bas pour emprunter à pied le vieil escalier aux marches inégales qui serpentait à travers les tombes, éparpillées sous les arbres séculaires. Beaucoup d’entre elles étaient penchées, s’enfonçaient dans le sol, les stèles étaient couvertes de mousse et presque effacées. Enfin, quand on parvenait à déchiffrer une inscription, ce n’était pas le nom de famille réel du défunt mais son nom bouddhiste, accordé après sa mort pour la vie dans l’au-delà ! Cela ne facilite pas les recherches généalogiques !

Le vieux cimetière de Kôchi (collection personnelle)

L’atmosphère était oppressante. Nous montions et descendions, sans ordre ni méthode, parmi les les anciennes sépultures, nous penchant pour déchiffrer les inscriptions. Parfois, on pouvait lire sur le côté ou derrière la stèle un nom de famille. Pas de Teshima, ni d’Okamoto. Certaines pierres tombées étaient recouvertes de feuilles sèches et de terre. Il fallait les dégager pour lire quelque chose. Il fallut bien se rendre à l’évidence : sans indications précises, tout cela était vain.

Nous avions commencé à monter l’escalier à midi et demi. Il était une heure et demie bien passée. J’étais fatiguée et j’avais faim. Nous avons abandonné les recherches afin de nous mettre en quête d’un restaurant pour le déjeuner. Mais soudain, j’ai glissé dans l’escalier sur des feuilles sèches. Je suis tombée en poussant un cri. Ma cheville était foulée, peut-être même cassée. J’avais atrocement mal. J’ai eu un éblouissement. Je suis restée assise sur la marche le temps de reprendre mes esprits. Puis je suis redescendue lentement, en boitillant.

En bas, au temple, c’étaient les préparatifs pour la cérémonie de « Shichi-Go-San » pour les enfants de 7-5-3 ans. Un prêtre shinto en tenue est passé près de nous. J’ai supplié mon mari de l’interroger au sujet des tombes. Il a demandé quel était le nom de famille et nous a dit de l’attendre. Il allait regarder les registres. Je me suis assise sur une chaise. Ma cheville gauche me faisait très mal. Le prêtre est revenu avec des livres et nous a fait entrer dans une petite pièce. Il a feuilleté la table des noms. C’étaient tous des gens célèbres. Hélas, pas de Teshima. Il y avait bien un Okamoto mais nous ne savions pas le prénom, ni la date. Le prêtre avait aussi des cartes du cimetière, mais pour trouver il aurrait fallu avoir quelques précisions supplémentaires.  Tant pis. Nous l’avons remercié et nous sommes rentrés à l’hôtel.

Ainsi disparaissaient mes derniers espoirs de compléter ma généalogie au Japon.

jeudi 20 novembre 2014

Le village d'un de mes ancêtres

Un de mes plus lointains ancêtres, Nicolas MOUTON, berger (et oui ! cela ne s'invente pas !), est né en 1682 à Ozouer-le-Voulgis. C'est le deuxième enfant (le premier fils) de Pierre MOUTON et de Jeanne CAGNIER, qui se sont mariés le 24 janvier 1678. J’ai voulu découvrir son village d’origine, bien que je me doute qu’il a dû beaucoup changer depuis le XVIIe siècle.

Mon mari et mon fils, comme toujours, n'étaient guère enthousiastes à l'idée de faire une balade généalogique. Heureusement, j'ai eu la bonne idée de commencer par le village de La Houssaye-en-Brie, où était née (en 1845) et avait vécu Georgina Louise Eugénie DAAS, une lointaine parente. A l'entrée du village, une pancarte a attiré mon attention : "La ferme au chocolat". Le logo, une poule, me semblait familier. Je leur ai proposé d'aller voir. En effet, c'était un atelier artisanal de chocolat (ils ont une boutique près de chez nous, à Nogent-sur-Marne). Nous étions un dimanche, donc nous n'avons pas pu voir comment s'effectuait le travail, mais nous avons pu déguster un chocolat (délicieux) et en acheter pour ma fille, mon gendre et mes petits-enfants gourmands...

La ferme au chocolat, à la Houssaye-en-Brie (Seine et Marne)
(collection personnelle)

Tout le monde avait retrouvé sa bonne humeur. Nous avons visité au passage Fontenay-Trésigny (Seine et Marne), sur la nationale 4, un gros bourg où ont vécu plusieurs de mes ancêtres. L’ancien château du Duc d’Epernon était triste à voir (un grand bâtiment en ruines, à vendre par lots). Enfin nous avons pris la route de Guignes, vers le sud et une route étroite nous a menés à Ozouer-le-Voulgis. Ce nom signifie étymologiquement "oratoire", transformé par une évolution phonétique normale en "ozouer" ou "ozoir". Cet oratoire appartenait à un dénommé "Voulgis". 

Ozouer-le-Voulgis, arrondissement de Melun, canton de Tournan-en-Brie, compte aujourd’hui environ 1.815 habitants (chiffre de 2011), qu’on appelle les Ozouériens. En 1836, (plus ancien recensement disponible), il n’y avait que 845 habitants, alors j’imagine qu’en 1682 ce n’était qu’un minuscule village rural d’une centaine d'âmes (ou moins)… Et pourtant, cette commune possède une imposante église, l’église Saint Martin.

L'église Saint Martin d'Ozouer-le-Voulgis

Sur le site officiel d’Ozouer-le-Voulgis, j’ai trouvé l’histoire et la description des trésors de cette église, site protégé et classé monument historique. L'édifice de style Renaissance a été édifié vers 1530-1540 sur l’emplacement d’un ancien oratoire fondé en 1206, et restauré vers 1727. Son clocher culmine à plus de 30 m au dessus de la campagne briarde.

L’église était entourée du manoir seigneurial et de la ferme des Célestins de Marcoussis, dont une porte, actuellement bouchée, faisait communiquer le bas-côté sud et la cour de la ferme. La chapelle de ce bas-côté sud est précisément celle des Célestins dont les armes ornent la clef de voûte.

L’église était fermée. Nous n’avons pas pu la visiter. Mais j’étais émue à la pensée que c’était ici, dans la paroisse Saint Martin d’Ozouer-le-Voulgis, que mon ancêtre Pierre MOUTON avait épousé Jeanne CAGNIER le 24 janvier 1678, et que son fils Nicolas MOUTON, berger, s’est marié, le 19 juillet 1706 avec Anne GOUPY. Les témoins ont été Jean GOUPY, frère de la mariée, Charles MOUSSAULT et Jacques MENESIER. L’église n’était peut-être pas en très bon état, puisqu’il a fallu la restaurer en 1727, mais c’était bien la même église massive, étonnante pour un si petit village, que j'avais devant les yeux. La religion – mêlée de superstition – jouait un rôle important dans la vie de nos ancêtres paysans.







jeudi 13 novembre 2014

Portrait d'un poilu (4) : un parent éloigné

Cette fois-ci, je vais essayer de faire le portrait d’un poilu que je ne connais pas. Un jour, j’ai reçu un coup de téléphone d’une personne membre d’une association de généalogie qui recensait tous les noms des poilus inscrits sur le monument aux morts de sa commune. Elle avait trouvé sur geneanet le nom d’un de ces poilus sur mon arbre et elle voulait savoir si j’avais une photo de lui. Hélas, non, car c’est un parent assez éloigné. En revanche, elle m’a fourni un renseignement que je ne possédais pas : il figurait sur le monument aux morts de Pontault-Combault (Seine et Marne). Il était « Mort pour la France ». Ainsi a commencé mon enquête.
Le monument aux morts de Pontault-Combault

Roger Henri LADOUET est né le 24 mai 1896 à Pontault-Combault (Seine et Marne). Il est le fils de Célestin LADOUET, 27 ans, boulanger, et de Cécile Julie FLEURY, 22 ans. Les témoins à sa naissance étaient Adolphe TOULLEC, 78 ans, rentier, et Augustin BAYOL, 30 ans, boucher.

Il avait un frère, Raoul Maurice LADOUET, né un an plus tôt, le 28 janvier 1895 à Pontault-Combault également, qui a eu pour témoins à sa naissance Louis BOURGEOIS, 46 ans, maçon, et Alexandre BRANDIN, 44 ans, peintre en bâtiment. Il a survécu à la guerre et s’est marié à Lésigny (Seine et Marne) avec Simone Augustine SOUTIN.

Célestin LADOUET, le père de notre poilu, était le fils de Victor Isidore LADOUET, tuilier, et de Juliette DEVILLARS, tous deux originaires du département de l’Yonne. Ils se sont installés à Courtenay, dans le Loiret, et ont eu quatre enfants : Célestin, Arthur, Juliette et Désiré.

Juliette LADOUET, née le 18 mai 1881 à Courtenay (Loiret), a épousé Charles Alexandre MOUTON (enfin, voilà le lien !) le 30 janvier 1901 à Pontault-Combault. Etaient témoins à leur mariage : Pierre Baptiste GUYOT, 45 ans, manouvrier, et Marie Jean Louis MONNET, 29 ans, entrepreneur de maçonnerie, demeurant tous deux à Verneuil-l’Etang (Seine et Marne). Charles Alexandre MOUTON, boulanger, né le 27 mars 1874 à Verneuil-l’Etang, était le fils de Marie Nicolas MOUTON, domestique, et de Hermine Victorine Léonie GRANDAY. Il avait deux frères : Louis Marie MOUTON et Marie Nicolas MOUTON (dit Léon), mon arrière-grand-père.

Revenons à Roger LADOUET, notre poilu. On devait prononcer ladoué, si j’en juge par les orthographes anciennes sur les actes de ses ancêtres. Roger a donc passé son enfance dans la commune de Pontault-Combault, allant à l’école communale, jouant et se disputant avec son frère Raoul, aidant peut-être ses parents à la boulangerie. Puis la guerre a éclaté. Il avait 18 ans. Il a été mobilisé et affecté au 156e R.I. (régiment d’infanterie). C’est lors de la bataille de la Somme qu’il a perdu la vie « tué à l’ennemi » à Hardecourt au Bois (Somme) le 2 juillet 1916.

Je n’ai jamais joué aux petits soldats de plomb, mais en lisant le journal des marches et opérations, j’ai l’impression que nos poilus étaient des pions que l’on déplaçait suivant les besoins sur le champ de bataille.

Les objectifs
D’après l’historique du 156e Régiment d’infanterie (qu’on appelle le quinze-six), la VIe armée, encadrée au nord par la IVe armée britannique, devait prendre l’offensive sur les deux rives de la Somme. Le 20e C.A. opérait au nord de la Somme, avec deux D.I. Sa mission était de couvrir la droite de l’armée anglaise et d’attaquer en liaison avec elle. La 39e D.I. avait pour mission de couvrir l’attaque des Anglais sur Montauban. A cet effet, elle devait enlever le bois d’En-Haut, le bois Sans-Nom et le bois Favière.

Schéma de la bataille de la Somme (d'après le J.M.O. sur Mémoire des Hommes)

Le déroulement de l’attaque
La 77e attaque à gauche, le 15-6 à droite. Le 160e est maintenu en réserve. Le 15-6 mène l’attaque, 2e bataillon à gauche, 1er bataillon à droite. Les bataillons sont eux-mêmes sur quatre vagues ; chacun des bataillons de première ligne fournit une compagnie de réserve de régiment (2e et 5e compagnies). Le 3e bataillon est réserve de brigade. Les objectifs sont : bois d’En-Haut, avec postes avancés vers la voie ferrée et la ferme Klafham (1er bataillon) bois Sans-Nom et carrière du bois Sans-Nom (2e bataillon).

Le 1er juillet à 7h 30, l’attaque se déclenche. Le 2e bataillon atteint sans difficulté son objectif. Le 1er bataillon engage une courte lutte dans le bois d’En-Haut qu’il enlève à la grenade. A 8h 15, tous les objectifs sont atteints. Le 3e bataillon franchit à son tour les lignes sous un barrage un peu plus dense et vient se placer en réserve dans les anciennes tranchées ennemies. Le régiment fait environ 300 prisonniers, dont un chef de bataillon. Dans la journée, la réaction d’artillerie est plus sérieuse et provoque quelques pertes. Les pertes totales de la journée sont de : 1 officier tué (sous-lieutenant MOREL), 2 officiers blessés (lieutenant COEUILLET et sous-lieutenant DEMARNE), soldats : 21 tués, 130 blessés.

Le 2 juillet, au cours de la nuit, le bombardement devient intense. Vers 1h 30, une violente contre-attaque est repoussée par les feux. A 4 heures, au petit jour, une nouvelle contre-attaque, plus violente encore, se déclenche, mais les hommes sont tous à leurs postes et l’attaque ne peut atteindre nos lignes. L’ennemi subit de lourdes pertes et laisse 50 à 60 morts dont 4 officiers sur le front d’une seule section. Les morts appartiennent au 156e, 63e, 6e, 38e R.I. et 23e chasseurs à cheval. Le total des pertes du 2 juillet s’élève à 39 tués et 73 blessés, dont 4 officiers (sous-lieutenants). Roger Henri LADOUET faisait partie des 39 soldats tués. Il avait tout juste vingt ans.








jeudi 6 novembre 2014

Portrait d'un poilu (3) : mon grand-père paternel

Mon grand-père paternel, André Léon MOUTON, que je n’ai pas connu, est né le 3 mai 1896 à Villiers sur Marne (actuel Val de Marne). Il était le fils de Marie Nicolas MOUTON (dit Léon) – je n’ai jamais su la raison de ces changements de prénoms, fréquents à l’époque, puisque mon grand-père maternel, lui aussi, qui se prénommait officiellement Marcel Alfred, se faisait appeler (ou on l’avait surnommé) Maurice – et de Henriette Anna Garnier, couturière. A l’origine, André était maçon, comme son père. Mais, confronté au manque d’opportunités en temps de crise dans le bâtiment, il est entré à la STCRP (Société des Transports en Commun de la Région Parisienne, l’ancêtre de la RATP (Régie Autonome des Transports Parisiens) où il est devenu conducteur d’autobus (on disait « machiniste »). C’était un métier bien différent de celui des conducteurs d’autobus d’aujourd’hui. Les moteurs crachaient leurs gaz d’échappement en hauteur, au niveau du machiniste, il n’y avait pas de direction assistée, et il fallait effectuer un double débrayage (en repassant au point mort à chaque fois) pour passer les vitesses…

Mon grand-père André Mouton

Quand la guerre éclate, mon grand-père a 18 ans. Inscrit sous le numéro 226 de la liste du canton du Raincy, il est incorporé le 12 avril 1915 et arrive au corps le lendemain. Il est en formation, j’imagine, jusqu’au 13 juillet 1915 dans une U.N.C. (unité non combattante). Le 16 mars 1916, il passe dans le 19ème bataillon de chasseurs à pied. Puis il est envoyé aux armées (unité combattante) le 14 juillet 1916. Il est blessé le 27 septembre 1916 à Bouchavesnes-Bergen, dans la Somme (plaie au bras gauche par éclat d’obus). Il est alors hospitalisé et affecté à l’intérieur (dépôt). Il est à nouveau hospitalisé pour sa rééducation du 18 mai au 14 août 1917. Le 6 septembre 1917, il est classé service auxiliaire par la commission de réforme d’Alençon pour : « limitation des mouvements d’extension du coude gauche ankylosé » (blessure de guerre). Le 20 mars 1918, il passe au 104ème régiment d’infanterie, et le 5 juillet 1918 à nouveau au 19ème bataillon de chasseurs à pied. Il est maintenu dans le service auxiliaire apte au front par la commission de réforme de Chartres du 5 août 1918 pour « limitation des mouvements d’extension du coude gauche suite de rétractation tendineuse, paralysie incomplète du radial ». Il est mis en congé illimité de démobilisation 6ème échelon le 4 avril 1919.

Ce que ne précise pas sa fiche militaire, je l’ai trouvé dans les Journaux de Marche et Opérations sur le site Mémoire des Hommes. Mon grand-père a participé à la bataille de la Somme qui se prépare dès le 14 septembre 1916 au camp 55, dans les bois, près de Cérizy-Gailly. Le 18, on conduit les hommes du 19ème bataillon de chasseurs à pied, en auto, à Suzanne, où ils débarquent dans l’eau et la boue. Le soir, en passant par Curlu, ils gagnent les carrières de Tatoï, au nord de Hem. Puis dans la nuit du 20 au 21, ils entrent en ligne à Bouchavesnes et la ferme de Bois Labbé. Sur ce champ de bataille, les mouvements sont rendus difficiles par la pluie, la boue, l’état des sols. En outre, l’ennemi possède d’excellents observatoires au mont Saint-Quentin, ce qui limite les mouvements, car les chemins sont constamment battus par le canon ennemi jusqu’à des distances considérables du front de combat. Après quelques jours en 2ème ligne à la tranchée de Hanovre, le 19ème bataillon revient à Bouchavesnes-Bois Labbé dans la nuit du 27 au 28. La carrière de Bouchavesnes, P.C. du bataillon et centre des réserves, est un nid à obus. C’est là que mon grand-père a été blessé.
 
Mon grand-père en tenue de chasseur à pied

Le 19 juillet 1919, la guerre finie, André Léon MOUTON épouse Henriette Marie Châtelain, couturière, et le 3 novembre de la même année (c’est un peu court, comme période de gestation, il me semble) sa femme accouche (prématurément) de deux enfants (jumeaux) : Argentine Anna (ma tante et marraine) et Marcel André (mon père). A ce propos, je viens d’apprendre récemment par la télévision que le premier né des jumeaux n’est pas, contrairement à ce que l'on croit, l’aîné, mais le puîné, car l'aîné, ayant été conçu en premier, est au fond de l’utérus. Ainsi, mon père, né après sa sœur, était sans doute l’aîné. Il ne s’en doutait pas.

Ce que j’ignore aussi, c’est où et comment mon grand-père a rencontré ma grand-mère. A la faveur de la guerre, je suppose. Après la bataille de la Somme, au cours de laquelle il a été blessé, il a été hospitalisé. En fonction des places dans les hôpitaux, on a très bien pu l’envoyer dans la Marne. Or, ma grand-mère est champenoise… Mais comment retrouver ces détails ? Je vais tenter d’écrire au service des archives médicales et hospitalières des armées (SAMHA) à Limoges.

Finalement, mon grand-père a eu de la chance. Il a échappé (presque) indemne au grand carnage de la guerre de 14-18. Hélas, il est décédé d’un cancer le 13 août 1938 à Noisy le Grand. Il n’avait que 42 ans…





jeudi 30 octobre 2014

Une photo de famille

J’ai trouvé dans mes archives une photo datée de 1920, que j’aime tout particulièrement.



Cette photo a été prise, apparemment, dans le jardin familial. A l’époque, mes grands-parents et mes arrière-grands-parents vivaient ensemble dans une grande maison au 28, rue de la Prévoyance à Noisy-le-Grand (autrefois Seine-et-Oise, maintenant Seine-Saint-Denis et peut-être dans un avenir proche PARIS !). C’est mon arrière-grand-père qui avait construit la maison (avec l'aide d'amis, je suppose). En effet, il était mâçon.
Cette maison, j’en ai retrouvé la description, datée du samedi 31 octobre 1931, dans un cahier d’écolier de mon père, qui avait 12 ans. C’est assez émouvant. Le sujet de la rédaction était : « Il y a chez vous une pièce que vous préférez aux autres. Décrivez-la. Vous vous y tenez de préférence : pourquoi ? ». Mon père a écrit :
« En entrant dans la rue de la Prévoyance à partir de la route nationale, à notre droite c’est l’usine de caoutchouc, à la gauche une ferme puis une maison avec une grille cachée par la vigne vierge. Cette maison assez grande est celle de mes parents et grands-parents. Elle est composée de huit grandes pièces. Elle est en parpaings et recouverte de tuiles.
Les huit pièces de la maison ne sont pas toutes à mes parents, qui n’ont que les quatre du premier étage. Les quatre du rez-de-chaussée appartiennent à mes grands-parents. De nos quatre pièces, je préfère la salle à manger orientée au soleil levant.
Elle est tapissée d’un papier dont le dessin est composé de fruits variés. J’aime à y prendre les repas, au soleil, l’été, la fenêtre ouverte, respirant l’air pur du dehors. La salle à manger est vraiment la pièce que je préfère : embaumée aux heures des repas par des mets odorants ».
Mais revenons à ma photo. On avait sorti, pour la circonstance, un canapé qu’on a placé devant le mur. On aperçoit sur le sol quelques plantes et un arrosoir en fer-blanc. 
Assise sur ce canapé, à gauche, c’est mon arrière-grand-mère Henriette Anna Garnier, 46 ans, (avec un sourire rayonnant), tenant dans ses bras, en robe de baptême, le petit Marcel André Mouton, mon père, 9 mois. Elle porte une jolie robe noire (elle était une habile couturière) avec des chaussures blanches à lacets qui m’étonnent. C’était une femme pratique, elle avait dû choisir le confort. À droite, sur le canapé, est assise ma grand-mère Henriette Marie Châtelain, 24 ans, élégante dans sa longue robe noire (elle était couturière elle aussi) avec des chaussures noires assorties. Elle tient dans ses bras sa fille Argentine Anna, 9 mois, également en robe blanche, plus menue que son frère jumeau. L’expression sur le visage de ma grand-mère est ambiguë, le léger sourire retenu.
Debout derrière elles, de gauche à droite, on voit mon arrière-grand-père Marie Nicolas Mouton (dit Léon), 50 ans, qui arbore un air satisfait derrière sa grosse moustache, puis Pierre Châtelain, 14 ans, le jeune frère de ma grand-mère, et André Léon Mouton, 24 ans, mon grand-père. Le jeune papa ne sourit pas. La naissance de jumeaux (prématurés) avait dû être un choc pour les parents. Il n'y avait pas de couveuses à l'époque. Les bébés étaient si petits que le docteur, venu à la maison pour l’accouchement, avait déclaré à la mère :
- Vous ne les élèverez pas.
Mais la grand-mère des jumeaux ne le voyait pas de cet œil. Elle a rétorqué :
- Comment ça ? Mais si, on les élèvera !
Ce « on » signifiait qu’elle prenait sa part dans le pari. Et en effet, la grand-mère Anna, qui habitait avec son mari dans la même maison que le jeune couple, et qui n’avait encore que 46 ans, a secondé sa bru, un peu débordée par les deux enfants, et s’est attachée aux petits. Ma grand-mère Henriette, qui rêvait d’avoir une fille, était comblée avec sa petite Argentine. Alors, mon arrière-grand-mère Anna, de son côté, s’est consacrée au petit garçon. Mon père est devenu un peu son « chouchou ». Elle l’emmenait promener avec elle dans la famille à Pontault-Combault ou à Provins. Comme mon père montrait de l’intérêt pour la musique, elle lui a payé un violon et des cours de violon. Sa sœur Argentine était douce et timide, toujours « dans les jupes » de sa maman. La musique ne l’intéressait pas spécialement. Elle préférait la cuisine et la couture.
Cependant, les jumeaux fragiles ont atteint tous les deux l’âge adulte, et fondé une famille, grâce à l’énergie de mon arrière-grand-mère Anna ! Ma tante Argentine, malheureusement, est décédée d’une leucémie à l’âge de 38 ans, en laissant trois jeunes enfants, mais mon père a vécu jusqu’à 91 ans !